C) Contraintes et solutions à de nouveaux records

Publié le par takemehigher

A) Les Contraintes

 
Comme nous l’avons vu précédemment, la particularité d’un gratte-ciel est de devoir résister à deux types de forces : des forces verticales dues au poids phénoménal de l’édifice et des forces verticales dues à la force des vents. En effet dans un immeuble classique, dépassant rarement trente mètres de hauteur, la pression du vent est négligeable. Mais, un gratte-ciel doit faire face à deux lois physiques liées aux vents.
 

   Tout d’abord le principe de la voile de bateau : plus la surface de la voile est grande plus la surface de contact de la force exercée par le vent sur la voile est grande : et donc l’intensité totale de cette force (égale à la somme algébrique des forces de contact du vent sur chaque portion de voile) est proportionnellement plus importante en fonction de la surface de contact. Ainsi sur un gratte-ciel de quatre cents mètres de haut pour une largeur de 60 mètres, la surface d’une seule façade sera donc de 2.4 km carrés : si l’on imagine la force du vent sur une voile de bateau avec de telles dimensions… le mât serait instantanément arraché. Mais dans le cas du gratte-ciel c’est ce dernier qui joue le rôle du mat… et il est bien entendu hors de question qu’il s’arrache de sa base. 
 

   La seconde loi concerne les conditions atmosphériques. Dans les conditions normales de température et de pression (CNTP) de la basse atmosphère, la force exercée par le vent varie en proportion géométrique de l’augmentation des hauteurs. Autrement dit, l’intensité de la force exercée par le vent est bien plus forte à cinq cents mètres d’altitude qu’à une altitude zéro. Ainsi les avions utilisent les courants aériens (à des altitudes plus importantes : 9 km généralement), pour augmenter leur vitesse et économiser du kérosène.

 Ces deux phénomènes physiques ont donc imposé une très grosse contrainte sur les gratte-ciel, que certains nomment « règle du 1/7 ». En effet, à cause des contraintes évoquées ci-dessus, la structure d’un gratte-ciel est considérée comme stable si la hauteur ne fait pas plus de sept fois sa largeur à sa base. Un immeuble de 70 mètres de haut devra au minimum être large de dix mètres. Ainsi, les limites de hauteur des gratte-ciel ont été atteintes aux alentours de 400 mètres : il n’est pas imaginable de construire un immeuble d’une largeur de 300 mètres car les bureaux ne recevraient plus aucune lumière

 


B) Les solutions

 

Cependant face à la volonté de l’Homme de monter toujours plus haut, les ingénieurs ont dû faire preuve de talent pour trouver des solutions à ce problème : ainsi deux d’entres elles ont été retenues et appliquées.

- La première solution consiste à augmenter la raideur de l’immeuble pour éviter que celui-ci ne cède face au vent. Pour cela, la seule solution trouvée à ce jour est d’assembler plusieurs tours ou blocs entre eux. Ainsi, d’après le principe des actions réciproques (cf : tours Petronas), chaque bloc retient l’autre qui lui-même retient le premier : l’assise est renforcée. C’est le cas de la Commerzbank de Francfort (plus haut gratte-ciel d’Europe avec 279 mètres) où la structure est basée sur trois tours de béton indépendantes reliées entre elles par des passerelles sur toute la hauteur où se trouvent les bureaux. Au centre, un atrium vide. Plus visible de l’extérieur, c’est le cas de la Sears Tower constituée de neufs blocs, ou tubes se renforçant les uns les autres. Grâce à ce système, la Sears Tower conserva le titre de plus haut gratte-ciel du monde pendant un quart de siècle avec ses 443 mètres de haut.

  La Commerzbank : on peut voir de chaque coté deux des trois tubes porteurs, ceux-ci sont reliés par les bureaux.

 

 

La Sears Tower et ses neuf tubes bien visibles.

 

- La seconde solution est toute autre et assez révolutionnaire : il s’agit d’amortir les mouvements naturels de l’immeuble dus au vent. En effet, tous les gratte-ciel sont conçus avec un minimum de souplesse qui leur permet de plus ou moins se balancer avec le vent et de ne pas se briser. En se balançant, les mouvements du gratte-ciel ne peuvent pas êtres perçus car trop faibles, mais un autre phénomène cause des ravages : l’accélération. En effet, lorsque l’immeuble arrive à l’extrémité d’un balancement, sa vitesse est nulle, mais, lorsqu’il repart dans l’autre sens pour un autre balancement, la vitesse croît jusqu’au point d’équilibre : le gratte-ciel accélère.





Pour résoudre ce problème, l’ingénieur a mis au point pour le Citicorp Center (279 mètres) de New York, un système d’amortisseur appelé « Tuned Mass Damper » (ou Amortisseur de masse). Ce type d’amortisseur de très haute technologie repose sur un principe simple : une masse est posée sur un bain d’huile au dernier étage. Avec l’huile, le contact entre le plancher et la masse est retardé. Grâce à cette action de contact retardée, la masse se balance à contre sens du balancement du gratte-ciel. En réalité, l’huile ne suffirait pas à obtenir un contre balancement parfaitement coordonné, car de nombreuses autres lois physiques complexes sont prises en compte par les ingénieurs qui ont ajouté des intermédiaires entre la masse et l’huile: ressorts, suspension de la masse au plafond…  Ainsi,  le balancement est en partie neutralisé et par ce biais l’accélération, mais la souplesse nécessaire de l’immeuble, obtenue par le choix des matériaux, n’est pas entachée. Au sommet du Citicorp, c’est une masse de 400 tonnes qui a été posée ; ce système se développe maintenant sur tous les immeubles de grande hauteur. Aujourd’hui, le plus haut gratte-ciel du monde, le Taipei Financial Center (Taipei 101) est doté d’un système comparable avec une boule de 800 tonnes appelée « feng shui » et censée amortir jusqu’à 40% des mouvements de l’édifice.
 

 

 

L’amortisseur de Taipei 101


 

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